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Je me rappellerai toujours la première visite que je fis à ce curé. Comme le village était situé sur le versant de la gorge qui nous fait face, et que, pour traverser la Dardenne sur les rochers et gravir le revers de la colline, il eût fallu d’autres jambes que celles de ma grand’mère, nous eussions été forcées de faire un long détour pour y aller en voiture, et même par là le chemin était si difficile, que ma grand’mère avait obtenu les offices dans la petite chapelle de Bellombre. Le curé des Pommets, après avoir dépêché une petite messe à ses paroissiens, descendait lestement la rude colline, traversait à vol d’oiseau les petits sentiers du vallon, et, après nous avoir dit, moyennant la permission de son évêque, une seconde petite messe, s’asseyait devant un formidable déjeuner servi par ma grand’mère et par Denise, qui avaient grand soin de lui et qui lui remettaient en outre le terme d’une petite rente affectée à ce ministère de complaisance.

C’était un terrible marcheur et un terrible mangeur que ce brave curé. Il était grand, sec, jaune et horriblement malpropre ; mais il avait de l’esprit et de l’instruction autant que de misère et d’appétit. Je crois que ce qui lui manquait le plus, c’était la ferveur, car il ne parlait jamais des choses célestes en dehors de son ministère. On n’eût pas