Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée



XXXVI


J’ai terminé la longue et fidèle analyse de mon développement intellectuel et moral. Je dois le résumer en peu de mots. J’avais débuté par une phase de tendance au merveilleux, résultat inévitable des circonstances anormales exploitées devant moi par les mystiques extravagances de ma nourrice. Jennie m’avait apaisée. Grâce à elle et aux leçons de Frumence, j’avais atteint tranquillement et avec profit l’adolescence. Alors, j’avais été un peu abrutie du côté du raisonnement, en même temps que surexcitée du côté de l’imagination par les romans de miss Agar. Frumence m’avait encore guérie par l’instruction réelle et solide ; mais c’était le moment où mon cœur cherchait à tâtons, pour ainsi dire, le but de sa vitalité, et j’avais conçu un bizarre mélange de stoïcisme et de poésie. Puis le désenchantement s’était produit à la suite d’une déception de ma vanité. J’avais failli regretter Frumence, et, rougissant de moi, j’avais châtié mon cœur en voulant le tuer. Je m’étais jetée dans l’amitié calme et dans le mariage de raison ennobli par un