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je commençai à prendre de moi-même une idée que les autres enfants n’ont certainement jamais conçue. Je pensai que j’étais différente des autres, puisque au lieu de me dire ce que j’étais et ce que j’avais toujours été, on me pressait de le révéler. Je tombai dans des rêveries bizarres, et, comme Denise m’avait raconté, pour m’endormir, beaucoup de légendes dévotes mêlées à des contes de fée, ma pauvre imagination se mit à travailler follement. Un jour, je me persuadai que je sortais d’un monde fantastique, et je racontai très-sérieusement à ma bonne maman que j’avais été d’abord un petit poisson d’argent, et qu’un grand oiseau m’avait emportée sur le haut d’un arbre. Là, j’avais trouvé un ange qui m’avait appris à aller dans les nuages ; mais une méchante fée m’avait fait tomber dans la Salle verte, où un loup voulait me manger et où je m’étais cachée sous une grosse pierre jusqu’à ce que Denise fût venue me prendre et me mettre une belle robe blanche.

Ma grand’mère, voyant que je battais la campagne, craignit que je ne devinsse folle. Elle me dit que je mentais, et, comme je m’obstinais un peu trop, elle me jura que j’avais rêvé tout cela et cessa de me questionner. Le mal ne s’aggrava donc pas trop, mais il était entré en moi. Je n’étais pas menteuse, j’étais romanesque. Le réel ne me