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— Moi ? Par exemple !

— Eh ! mon Dieu, n’étiez-vous pas sous le charme de certaines aspirations qui m’avaient frappée… malgré vous, j’en conviens ; mais enfin vous étiez tout près d’aimer, si vous n’aimiez déjà quelqu’une que vous aimez tout à fait à présent, j’imagine ?

Frumence rougit. Sa mâle et brune figure avait conservé ces soudainetés candides de l’enfance.

— Lucienne, répondit-il, vous étiez curieuse quand vous étiez romanesque, c’était logique ; mais, à présent…

— À présent, mon cher Frumence, je suis sérieuse, et j’aborde franchement le sujet qui m’intéresse ; voyons ! ne manquez pas de confiance et d’estime pour moi. Je suis capable de garder un secret, et il y a longtemps que je sais votre affection pour une personne qui m’est chère.

— Est-ce qu’elle vous l’a dit ?

— Non ; mais je sais que ma grand’mère désire ce mariage depuis longtemps, et je m’étonne de la durée des obstacles.

— Ces obstacles seront peut-être éternels, Lucienne, et vous voyez que je me résigne avec la dignité que comporte un pareil projet.

— Oui ; mais dois-je en conclure que vous ne croyez pas plus au bonheur comme récompense