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et plus orgueilleux que sensible. Vous souffrez beaucoup, et il vous plaît de souffrir seul, sans avoir recours à une providence visible ou invisible.

— La providence invisible, répondit-il, elle est au dedans de moi comme dans le cœur de mes amis. Elle s’appelle volonté du bien. Dès que je ne suis pas un être faussé par les illusions, je sens en moi et chez ceux qui me ressemblent celle force réelle, et c’est à moi de l’employer de mon mieux.

— Ainsi, vous combattrez tout seul, ou grâce aux conseils de votre oncle, le mal qui vous ronge ?

— Mais aucun mal ne me ronge ! s’écria Frumence en riant à bouche ouverte de mes expressions recherchées. Je n’ai ni peine secrète ni amère douleur à combattre. Il n’y a pas de ces souffrances-là pour un philosophe de mon espèce.

— De quelle espèce est donc votre philosophie ? repris-je très-désappointée.

— C’est celle d’un homme qui la montre peu et qui s’en sert beaucoup, répondit-il avec une modeste animation. Je ne suis pas professeur de philosophie, moi. Je ne fais pas de cours, je n’écris pas de livres. J’aime la raison pour elle-même, et je m’en nourris comme de l’aliment le