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avec qui j’étais fière de traiter d’égal à égal.

Je lus les bons livres qu’il me prêtait. J’eus de la peine à passer des Lorenzo et des Ramire aux hommes de Plutarque ; mais, croyant me grandir en faisant connaissance avec eux, je tins bon et j’élevai insensiblement mon niveau en voyant s’agrandir l’horizon. Frumence fut surpris de me trouver en peu de temps convertie au vrai beau. Malheureusement, les livres qu’il s’était flatté de me procurer manquèrent bientôt. Il reconnut qu’il n’y avait presque rien à donner à lire à une jeune fille que l’on voulait garder parfaitement candide en l’éclairant, et qu’il faudrait des abrégés expurgés de tous les textes. Pourtant, les bonnes lectures sont l’unique défense de la jeune fille contre les vaines imaginations qui la sollicitent. Frumence se vit entraîné à me faire des extraits qui prirent ses soirées plusieurs fois par semaine. Il s’y résigna d’abord et s’y complut ensuite, car je répondais à son zèle par de véritables progrès, et il était un peu fier de moi. Je trouvais un attrait singulier à cette éducation, qui était un secret entre nous et Jennie. Ma grand’mère comprenait enfin que miss Agar ne m’apprenait ni dessin ni musique, et qu’elle était devenue parfaitement inutile. Elle l’avait prévenue d’avoir à chercher une autre famille, et, un beau jour, miss Agar partit pour