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thique. Il essaya de douter de l’incapacité d’Agar et de l’égoïsme de Marius. Je l’interrompis par un coup de tête qui était le résultat d’un besoin spontané d’abandon :

— Tenez, monsieur Frumence, lui dis-je, vous êtes trop bon, vous ; vous êtes comme Jennie qui arrange toujours tout pour le mieux, parce qu’elle voudrait m’empêcher de voir clair trop tôt dans ma vie, et à qui je crains de faire de la peine en lui racontant tout ce qui me contrarie ; mais je peux bien vous dire, à vous, que je ne suis plus heureuse comme je l’ai été.

Frumence fut saisi, sa figure s’attrista ; il prit ma main dans la sienne et ne dit rien, attendant et n’osant provoquer mes confidences.

Je me trouvais donc à la tête de confidences à faire à quelqu’un ! C’était une occasion de me manifester, de me résumer vis-à-vis de moi-même, de me connaître, d’entrer dans la vie comme une petite personne, et de cesser d’être une petite chose. Je ne puis expliquer autrement l’accès de sincérité hardie avec lequel je fis à Frumence, en termes assez vifs, le portrait et la critique de miss Agar et de Marius. Il m’écouta attentivement, tantôt souriant de mes moqueries et cachant mal son admiration pour le brillant esprit qu’il me supposait, l’excellent être ; tantôt plongeant son regard