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comme si Marius n’était pas là. Je vis Marius prendre un livre et lever le bras pour le lancer à la tête de Frumence. Je me jetai vite sur la chaise placée vis-à-vis de Frumence, de l’autre côté de la petite table. Marius n’eût pu jeter le projectile sans m’atteindre. Il comprit, à mon mouvement spontané, que je voulais le préserver d’un acte de démence et d’une mauvaise action. Il jeta le livre par terre et sortit.

Comme j’étais pâle et tremblante, Frumence ferma les cahiers et alla prendre sur une autre table un verre d’eau qu’il m’offrit.

— Remettez-vous, mademoiselle Lucienne, me dit-il, ceci n’est rien pour moi. M. Marius est naturellement doux et inoffensif : c’est un accès de fièvre.

— Ah ! mon Dieu ! m’écriai-je, est-ce qu’il va devenir comme cette pauvre Denise ?

— Non, il est jeune, et à son âge cela passe vite. Allez faire un tour de promenade avec madame Jennie ; je vais tout à l’heure causer avec votre cousin et le calmer tout à fait quand il aura eu le temps de se calmer un peu de lui-même.

J’allai trouver Jennie. Je n’avais pas de secrets pour elle. Je lui demandai de m’expliquer ce qui venait de se passer. Elle prétendit qu’elle n’y comprenait rien, et me dit, comme Frumence, que