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mais ses lèvres étaient pâles et comme violacées. Je fus très-effrayée.

— Comment, lui dis-je, vous êtes vindicatif à ce point, vous que je croyais si généreux ?

— Je suis généreux de sang-froid, par réflexion ; mais dans la colère,… je vous l’avais bien dit, je ne m’appartiens plus.

— Vous réfléchirez, alors !

— Non, pas avant de m’être vengé, cela ne me serait pas possible.

— Vous êtes capable d’une colère de plusieurs jours ?

— De plusieurs semaines, de plusieurs mois peut-être.

— Alors c’est de la haine que vous nourrissez en vous sans la combattre ? Et vous vous vantiez tout à l’heure d’être philosophe !

— Tout à l’heure je mentais, vous mentiez, mademoiselle Dietrich mentait aussi. Nous étions dans la convention, dans le savoir-vivre ; à présent nous voici dans la nature, dans la vérité. Elle est éprise d’un autre homme que moi, sans se soucier de moi ni de rien au monde. Vous me cachez son nom par prudence, mais vous comprenez fort bien mon ressentiment, et moi je sens monter de ma poitrine à mon cerveau des flots de sang embrasé. Ce qu’il y a de sauvage dans l’homme, dans l’animal, si vous voulez, prend le dessus et réduit à rien les belles maximes, les beaux sentiments de l’homme civilisé. Oui, c’est comme cela ! tout ce que vous pourriez me dire dans la