MOTUS. Pardon de l’expression, mon colonel. Je veux dire qu’il est porté sur la discipline et ne passe rien aux freluquets et autres délinquants ; mais il est juste et maternel pour ses hommes, voilà pourquoi on lui pardonne des choses…
HENRI. Quelles choses, voyons ?
MOTUS. Le capitaine Cadio, ton ami — et le mien dans le temps qu’il était soldat comme moi — est à présent… un tigre !
HENRI. Ah ! un chien, un tigre… Va toujours !
MOTUS. Si la licence de mon discours t’offense, mon colonel, tu n’as qu’à me le dire, et ma parole rentrera dans les rangs.
HENRI. Non ! puisque c’est moi qui t’interroge.
MOTUS. Eh bien, voilà ! le capitaine est tigre dans la bataille ; il n’y en a jamais assez pour lui, toujours le premier au feu, jamais de quartier, point de prisonniers ; toutes nos lattes se sont ébréchées en manière de scie sur les crânes des chouans, et on a marché dans le sang jusqu’aux aisselles. Du temps du capitaine Ravaud, qui était certainement un brave soigné, on avait tous le cœur un peu sensible pour les vaincus, et moi-même ;… mais il a fallu emboîter le pas dans la férocité, et, à présent que la clémence est à l’ordre du jour, on ne sait point ce que fera le capitaine, qui n’est pas certes un homme pareil aux autres humains.
HENRI. Quel homme est-ce, selon toi ? voyons !
MOTUS. Voilà, mon colonel, où la définition dépasse les facultés dont je suis susceptible pour t’expliquer la chose !
HENRI. Essaye toujours.
MOTUS. Eh bien, sans lui faire de tort, je crois,