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rendez-vous, il se dirigeait sans se presser sur Paris.

— Si c’est à lui que vous voulez parler, dit Marcel, retournons ; je gage qu’il va chez moi !

— Ce n’est pas à lui que je veux parler, répondit M. Antoine d’un ton ironique, puisqu’il est mourant.

— Est-ce que vous lui avez trouvé bonne mine ? reprit Marcel.

L’oncle retomba dans son mutisme sournois. On continua à rouler vers Sèvres. Savait-il lui-même ce qu’il y allait faire ? Avouons la vérité, il l’ignorait absolument. Il sentait un grand trouble dans ses idées, et sa méditation n’avait pas d’autre objet qu’une assez vive inquiétude sur le malaise qu’il éprouvait.

— Avec tout cela, pensait-il, je suis le plus malade des trois, moi, si je n’y prends garde. La colère est bonne, ça fait vivre, ça soutient la vieillesse, et un homme vieux qui se laisse mener est un homme fini : mais il n’en faut pas une trop forte dose à la fois, et je ferais bien de me calmer un peu.

Sur ce, avec une puissance de volonté qui eût fait de lui un homme remarquable s’il eût eu de meilleurs instincts ou une meilleure direction, il résolut de faire un somme, et il dormit paisiblement jusqu’au moment où la voiture roula sur le pavé de Sèvres.

Marcel avait été tenté de faire retourner la voiture sans qu’il s’en aperçût ; mais le valet de M. Antoine eût-il obéi ? Et d’ailleurs, puisque Julien était hors d’atteinte, ne valait-il pas mieux savoir comment M. Antoine entendait agir vis-à-vis de madame Thierry ?