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Ne trouvant pas Julie dans son salon, il s’était enhardi à la surprendre dans son jardin. L’incident du lis brisé semblait précipiter l’occasion. Il eut un vertige de fatuité folle, il se déclara.

— Madame, dit-il, vous m’y poussez avec vos jolies paroles et vos airs de douceur ; je vais risquer le tout pour le tout, moi, et, si la chose vous fâche, le tort sera de votre côté. Voyons ! vous n’êtes pas riche, et je sais que vous n’êtes pas née sur les marches d’un trône. Je crois bien que vous n’êtes pas fière non plus, puisque vous allez dans l’atelier d’un petit peintre et que vous acceptez ses hommages… à mes dépens !… histoire de rire ! n’importe. Rions-en, mais finissons par quelque chose de raisonnable. Julien a beau avoir des ancêtres du côté de sa mère, c’est mon neveu, c’est un roturier. Le méprisez-vous donc pour ça ?

— Non certes !

— Son tort est donc d’être pauvre ? Mais, s’il était riche, très-riche, voyons, qu’est-ce que vous diriez ?

— Vous voulez le doter pour que je l’épouse ? s’écria madame d’Estrelle stupéfaite.

— Qu’est-ce qui vous parle de ça ?

— Pardon ! j’ai cru…

— Vous avez cru que je vous proposais une sottise ! Qu’est-ce qu’un artiste ? J’aurais beau le doter, ce n’est pas l’argent gagné par moi qui le relèverait à vos yeux, je pense. La considération appartient à ceux qui ont fait eux-mêmes leur sort et qui se sont donné du mérite par leur esprit dans les affaires. Allons, vous