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épître aux femmes.

C’est s’obliger soi-même et jouir plus que lui.

    Ne croyez pas non plus qu’en ma verve indiscrète
J’aille crier partout : Soyez peintre ou poëte.
Je sais que la nature, avare en ses bienfaits,
Nous donne rarement des talents purs et vrais ;
Mais telle que retient la critique ou l’envie
Sent au fond de son cœur le germe du génie ;
Et c’est là que mon vers, armé d’un trait vainqueur,
Veut porter, malgré tout, un transport créateur.
Et quand il se pourroit qu’à ma voix enflammée
Une autre vainement cherchât la renommée,
Lui doit-on pour cela d’injurieux discours ?
L’homme dans ses travaux réussit-il toujours ?
Ne vaut-il donc pas mieux d’une ardente jeunesse
Charmer par les talents la dangereuse ivresse,
Que de la condamner au plaisir dégradant
D’inventer ou proscrire un vain ajustement ?
Oui, l’étude est pour nous un bonheur nécessaire :
On apprend à juger, si l’on apprend à faire ;
Et malheur à celui qui, pouvant s’agrandir,
Se courbe sous la main qui prétend l’asservir !
Moi-même, osant braver les dangers de la scene,
J’ai marché vers le but où ma main vous entraîne ;
Moi-même, sur Sapho rappelant quelques pleurs,
J’ai suivi ses leçons et chanté ses douleurs ;
Moi-même à mes côtés j’ai vu la sombre envie
Sur mes tranquilles jours porter sa main impie…