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et, depuis, nul effort ne lui réussit, bien qu’il ait tenté tous les moyens de se relever ; tel qu’un serpent qui, ayant la tête écrasée, fait avec sa queue de dernières menaces (14). Ainsi, après s’être réfugié à Colchos, il voulut jeter l’épouvante sur les côtes de Sicile et jusque dans notre Campanie, par une subite apparition (15). Il comptait associer à ses desseins tous les pays situés entre Colchos et le Bosphore, traverser en courant la Thrace, la Macédoine et la Grèce, puis envahir inopinément l’Italie. Cc ne fut qu’un projet ; car, prévenu par la défection de ses sujets et par la trahison de Pharnace, son fils, il se délivra par le fer d’une vie qui avait résisté à l’essai du poison (16).

Cependant le grand Pompée poursuivait, d’un vol rapide, à travers les différentes contrées de la terre, les restes de la rébellion de l’Asie. Du côté de l’Orient, il pénétra chez les Arméniens, s’empara d’Artaxate, capitale de ce peuple, et laissa le trône à Tigrane, réduit à le supplier. Du côté du Septentrion, il rentra en Scythie, guidé par les étoiles, comme sur mer, soumit la Colchide[1], pardonna à l’Ibérie, et épargna les Albaniens. De son camp, placé au pied même du Caucase, il contraignit Orode, roi d’Albanie, à descendre dans la plaine, et Arthoce, qui commandait aux Ibériens, à lui livrer ses enfants en otage. Il récompensa Orode, qui lui avait, de son propre mouvement, envoyé d’Albanie un lit d’or et d’autres présents (17). Conduisant ensuite son armée vers le midi, il franchit le Liban dans la Syrie, s’avança au-delà de Damas, et porta les étendards romains à travers ces bois odorants, ces forêts renommées par leur encens et leur baume. Les Arabes s’empressèrent de lui offrir leurs services (18). Les Juifs tentèrent de défendre Jérusalem ; mais il s’en ouvrit aussi l’entrée, et vit à découvert l’objet mystérieux que cette nation impie tient caché sous un ciel d’or (19). Deux frères se disputaient la couronne ; choisi pour arbitre, il adjugea le trône à Hircan, et fit mettre dans les fers Aristobule, qui renouvelait cette querelle (20).

C’est ainsi que, sous la conduite de Pompée, les Romains parcoururent l’Asie dans toute son étendue, et que cette province, qui formait la limite de l’empire, en devint le centre. Car, exceptés les Parthes, qui préférèrent notre alliance, et les Indiens qui ne nous connaissaient pas encore, toute la partie de l’Asie située entre la mer Rouge, la mer Caspienne et l’Océan, était assujettie, par les armes ou par la seule terreur, au pouvoir de Pompée (21).

VII. — Guerre des Pirates. — (An de Rome 675-685.) Tandis que le peuple romain était occupé dans les différentes parties de la terre, les Ciliciens avaient envahi les mers. Coupant les communications, et brisant le lien qui unit le genre humain, la guerre qu’ils faisaient, avait, comme la tempête, fermé la mer aux vaisseaux. Les troubles de l’Asie, qu’agitaient nos combats contre Mithridate, donnaient à ces brigands voués au crime une audace effrénée. A la faveur du désordre causé par une guerre étrangère, et de la haine qu’inspirait le roi ennemi, ils exerçaient impunément leurs violences. S’étant d’abord contentés, sous leur chef Isidore, d’infester les

  1. Située entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne.