Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/678

Cette page n’a pas encore été corrigée

fut aussi remarquable que le roi Bituitus, couvert d’armes de diverses couleurs, et monté sur un char d’argent, comme il avait combattu.

On peut juger de la joie qu’excitèrent ces deux victoires, par le soin que prirent Domitius Ænobarbus[1] et Fabius Maximus[2] d’élever sur le lieu même du combat des tours de pierres, et d’y ériger des trophées ornés des armes ennemies, usage inconnu à nos ancêtres. Jamais, en effet, le peuple romain n’insulta à la défaite d’un ennemi terrassé.

IV. — Guerre des Cimbres, des Teutons et des Tigurins. — (An de Rome 644-652.) — Les Cimbres, les Teutons et les Tigurins, fuyant l’Océan qui avait inondé leurs terres, étaient partis des extrémités de la Gaule, et cherchaient par tout l’univers de nouvelles demeures. Chassés de la Gaule et de l’Espagne, ils remontent vers l’Italie, et envoient des députés dans le camp de Silanus, et de là au sénat ; ils demandent que le peuple de Mars leur donne quelques terres, à titre de solde, et promettent, à cette condition, d’employer à son service leurs bras et leurs armes. Mais quelles terres aurait pu donner le peuple romain, chez qui les lois agraires allaient exciter la guerre civile ? Leur demande est donc rejetée ; et ils arrêtent, puisque leurs prières ont été vaines, d’en appeler aux armes.

Silanus ne put, il est vrai, soutenir le premier choc des Barbares ; ni Manlius, le second ; ni Caepion, le troisième. Tous furent mis en fuite et chassés de leur camp. C’en était fait de Rome si ce siècle n’eût produit Marius. N’osant pas en venir aux mains sur-le-champ, il retint ses soldats dans leur camp, pour laisser à cette invincible rage et à cette fougue qui tiennent lieu de valeur aux Barbares le temps de se ralentir. Ceux-ci décampèrent enfin, en insultant aux Romains, et leur demandant, tant ils comptaient sur la prise de Rome ! s’ils n’avaient rien à mander à leurs femmes. Prompts à exécuter leurs menaces, ils s’avançaient déjà en trois corps, par les Alpes, barrière de l’Italie.

Marius prévint l’ennemi en occupant aussitôt, avec une merveilleuse célérité, les plus courts chemins. Il atteignit d’abord les Teutons, au pied même des Alpes, dans un lieu nommé les Eaux Sextiennes ; quelle bataille, grands dieux ! il leur livra ! Les ennemis étaient maîtres de la vallée et du fleuve qui la traverse. Nos soldats manquaient absolument d’eau. Que Marius l’ait fait à dessein, ou qu’il ait su tourner sa faute à son avantage, on l’ignore. Il est certain, du moins, que la nécessité de vaincre, imposée au courage de ses soldats, leur donna la victoire. En effet, comme ils lui demandaient de l’eau : « Vous êtes des hommes, leur dit-il, vous en avez là devant vous ». Aussi on se battit avec une telle ardeur, et on fit des ennemis un tel carnage, que le vainqueur, en se désaltérant dans le fleuve chargé de morts, but moins d’eau que de sang. Leur roi lui-même, Teutobochus (4), accoutumé à sauter successivement sur quatre et sur six chevaux, put à peine en monter un pour fuir. Saisi dans un bois voisin, il fut le plus beau spectacle du triomphe ; cet homme d’une taille gigantesque s’éle-

  1. Ahenobarbus, sur les médailles et dans les inscriptions.
  2. Il fut surnommé Allobrogique.