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rendre, par ce moyen, sa cavalerie inutile ; enfin, en troisième lieu, il se proposait de diminuer ainsi le crédit dont Pompée jouissait auprès des nations étrangères, en montrant au monde que César le tenait assiégé sans qu’il osât combattre.

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(1) Pompée ne voulait s’éloigner ni de la mer ni de Dyrrachium où il avait rassemblé toutes ses munitions de guerre, les traits, les armes, les machines, et d’où sa flotte apportait des vivres à son armée ; mais il ne pouvait empêcher les travaux de César qu’en lui livrant bataille, ce à quoi il n’était pas encore résolu. (2) Il lui restait pour dernière ressource d’étendre ses troupes sur le plus de collines et le plus d’espace qu’il pourrait, afin de diviser les forces de César : et il fit ainsi. (3) Il éleva vingt-quatre forts, qui embrassaient un terrain de quinze mille pas de circuit ; cette enceinte, couverte de champs ensemencés, fournissait à ses chevaux d’abondants pâturages. (4) Et, comme nos troupes avaient établi une ligne de communication non interrompue en liant un fort à l’autre, afin que l’ennemi ne pût pénétrer par aucun point et nous attaquer par derrière, de même les soldats de Pompée travaillaient à l’intérieur à des lignes continues, afin de nous empêcher d’entrer dans leur camp et de les prendre par derrière. (5) Mais ils avaient sur nous ce double avantage, qu’ils étaient plus nombreux et que leur enceinte était moins étendue. (6) Lorsque César voulait s’emparer de quelque position, Pompée, sans en venir à une action générale, qu’il s’était promis d’éviter, envoyait sur des postes avantageux une foule d’archers et de frondeurs (5) qui nous blessaient beaucoup de monde. Aussi nos soldats redoutaient-ils beaucoup leurs flèches, et la plupart s’étaient fait des tuniques de cuir ou de pièces de diverses étoffes, pour se garantir de ses traits.

Escarmouche dont les Césariens se tirent habilement

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(1) De part et d’autre on se disputait vivement le moindre poste, César pour resserrer Pompée, Pompée pour occuper le plus grand nombre possible de collines pour élargir son enceinte ; on se livrait dans ce but de fréquents combats. (2) Dans une de ces occasions, la neuvième légion de César s’étant saisie d’une hauteur où elle commençait à se fortifier, Pompée s’empara d’une hauteur opposée, qui en était voisine, et se mit à inquiéter nos travailleurs ; (3) et comme d’un côté notre poste offrait un accès facile, il fit d’abord marcher contre eux ses archers et ses frondeurs, et ensuite son infanterie légère, soutenue de ses machines, pour nous empêcher de nous fortifier : or, il nous était malaisé de continuer les travaux et de nous défendre en même temps. (4) César, voyant ses troupes exposées de toutes parts aux traits de l’ennemi, résolut de quitter la place et de se retirer. Mais pour cela il fallait descendre le coteau, (5) et l’ennemi était d’autant plus ardent à gêner notre retraite, qu’il semblait que la crainte nous fît abandonner ce poste. (6) C’est dans cette circonstance, à ce que l’on rapporte, que Pompée eut la vanité de dire aux siens, "qu’il consentait à passer pour un général