Page:Sainte-Palaye - Projet d'un glossaire françois, 1756.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(10)

Lorsque je suis venu à considérer les différentes classes de lecteurs auxquels j’avois à répondre, je me suis vu entre deux écueils également dangereux : les uns avides de tout savoir exigent qu’on ne leur épargne aucun détail, et font un crime à l’Auteur de tout ce qu’il dérobe à leur curiosité ; les autres, d’un goût plus superficiel, voudroient que l’on se bornât à l’étroit nécessaire ; leur vue n’aperçoit que les objets d’une utilité directe et palpable ; ils traitent de minutieux certains détails, faute d’appercevoir, du premier coup d’oeil, le rapport que ces détails peuvent avoir à d’autres objets plus généraux et plus importants. J’ai tâché de tenir un juste milieu, en évitant d’en dire trop, et de n’en pas dire assez. Peut-être trouvera-t-on que je donne encore dans le premier de ces deux excès, entraîné par le penchant naturel dont on a peine à se défendre lorsqu’on traite un sujet qu’on affectionne. Telle remarque ne s’est présentée qu’à la suite d’un grand nombre de lectures : telle autre découverte est le seul fruit qu’on ait recueilli d’un Auteur très-rare que personne ne lit plus. La singularité, la difficulté ont d’abord fait saisir ces objets comme intéressants, ou du moins comme curieux : on leur a donné un degré d’estime dont on a peine à se départir : on croit ne pouvoir se dispenser d’en faire usage : on s’y complaît, on les conserve comme s’ils devoient nécessairement piquer la curiosité ; mais le lecteur impartial reçoit souvent avec froideur et quelquefois avec dédain ce que l’Auteur lui présente avec enthousiasme. On a beau vouloir être en garde contre la prévention ; il est difficile, en certains cas, de tenir toujours la balance égale entre son propre goût et celui des autres. Il me sera sans doute arrivé plus d’une fois de passer les bornes que j’ai eu intention de me prescrire ; mais j’ose espérer qu’on voudra bien avoir pour moi quelqu’indulgence : ce n’est pas trop demander pour les peines que j’ai prises.

Quoique le but principal de cet Ouvrage soit de donner ou de faciliter l’intelligence du langage de nos anciens Ecrivains, on ne se bornera pas cependant à rapporter tous les mots dont ils se servent et qui sont maintenant inusités : on y joindra les mots qui nous sont encore familiers, mais qui