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gouvernement des États et empires que les plus doctes médecins font à celui des malades ; car il faut nécessairement que les uns et les autres prennent fin, tantôt d’une façon et tantôt de l’autre : Quotidie aliquid in tam magno orbe mutatur, nova urbium fundamenta jaciuntur, nova gentium nomina, extinctis nominibus prioribus aut in accessionem validioris conversis, oriuntur (chaque jour quelque changement s’opère en ce vaste univers ; on jette les fondations de villes nouvelles ; de nouvelles nations s’élèvent sur la ruine des anciennes dont le nom s’éteint ou va se perdre dans la gloire d’un État plus puissant). Je ne dis pas toutefois qu’un peu de régime ne fasse grand bien, et que tant de livres qu’écrivent tous les jours les médecins de vita proroganda soient inutiles ; mais aussi en faut-il demeurer dans leurs termes, et ne pas attendre des remèdes l’éternité que Dieu seul s’est réservée. » – Et dans les Coups d’État (chap. IV) il avait dit : « Il ne faut donc pas croupir dans l’erreur de ces foibles esprits qui s’imaginent que Rome sera toujours le siége des saints Pères, et Paris celui des rois de France. » Je trouve que, de nos jours, les sages eux-mêmes ne sont pas assez persuadés que de tels changements restent toujours possibles, et l’on met volontiers en avant un axiome de nouvelle formation, bien plus flatteur, qui est que les nations ne meurent pas.

Je ne pousserai pas plus loin ce qui aussi bien n’aurait aucun terme, car il faudrait extraire à satiété, sans pouvoir jamais analyser. La conclusion du Mascurat est spirituelle et va au-devant des objections d’invraisemblance. – Saint-Ange : « Tu me dis de si belles choses, que, si elles étoient imprimées, on ne s’imagineroit jamais qu’elles vinssent du cabaret ni qu’elles eussent été dites par deux libraires ou imprimeurs… » Et Mascurat répond en citant des exemples de l’antiquité : « … Au contraire, je vois dans Plutarque et Athénée que les plus doctes de ce temps-là tenoient des propos aussi sérieux entre la poire et le fro-