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reux. J’eus occasion de lire votre Galerie morale et politique : bientôt un peu de calme entra dans mon sein ; je suivais avec intérêt le voyageur que vous guidez dans l’orageux passage de la vie ; j’aurais voulu l’être, ce voyageur, je le devins. Je reconnus aisément avec vous que les maladies de l’âme, plus cruelles que celles du corps, nous ôtent toute tranquillité ; je ne l’éprouvais que trop. Bientôt vous m’apprîtes qu’il était douteux que ma haine fit à mes ennemis le mal que je leur souhaitais, que ce qui était seulement certain était le mal qu’elle me faisait à moi-même. Vous m’exhortâtes à pardonner, à rendre le bien pour le mal, à montrer à ceux qui me haïssaient leur injustice, en leur prouvant mes vertus, à les forcer ainsi à l’admiration, à la reconnaissance, et vous m’assurâtes du plus beau triomphe qu’une âme généreuse pût souhaiter… J’eus le bonheur de pleurer et bientôt le courage de combattre. Ce combat ne fut pas long, ni même bien pénible… Je l’ai remporté, ce triomphe, il est complet. La sérénité rentrée dans mon âme se peignit bientôt dans mes regards, et je vois déjà dans les yeux de ceux que j’appelais mes ennemis un étonnement et un sentiment de regret, de honte et de compassion bienveillante qui va presque à l’admiration et au respect… je suis heureux, bien heureux. Un seul regret eût encore un peu altéré ce bonheur ; ma reconnaissance pour mon guide, pour mon bienfaiteur, m’eût pesé, si je n’avais pu la lui faire connaître… »

Rentré à la Chambre des pairs au moment où M. Decazes usait de sa faveur pour ramener du moins quelque conciliation entre tant de violences contradictoires, M. de Ségur passa les onze dernières années de sa vie dans un loisir occupé, dans les travaux ou les délassements littéraires, entremêlés aux devoirs politiques que les circonstances d’alors imposaient à tous les hommes d’un libéralisme éclairé. Le succès de ses Mémoires fut grand et dut le tenter à une continuation que