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UN DERNIER RÊVE.


Il est trouvé ce port que ma jeunesse
A poursuivi sur les flots agités,
Sous tous les vents et les feux irrités.
Plaisirs moqueurs, qui me trompiez sans cesse !
Le vrai signal, le bel astre levé,
Il est trouvé !

Il est trouvé l’ombrage où l’on repose,
Le droit chemin par le devoir tracé
Qu’un doux printemps si tard recommencé
Borde pour moi de sa plus jeune rose.
Le calme sûr au cœur trop éprouvé,
Il est trouvé !

IL est trouvé le bienfait de nature,
Le sein aimant qu’un Dieu nous vient rouvrir,
Ce qui permet de vivre et de mourir,
Ce qui fait croire, espérer sans murmure,
Et dire encor, même au terme arrivé :
Il est trouvé !



Ne coulez plus, larmes de Poésie ;
C’était un rêve, une dernière erreur !
Il n’est plus rien désormais dans la vie :
Pleurs de rosée, il n’est plus une fleur,
Que feriez-vous, larmes de Poésie ?

Ne coulez plus, larmes de la douleur ;
Comprimez-vous, étouffez vos murmures,
Comme le sang dans les pires blessures
Coule au dedans et suffoque le cœur.