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PENSÉES D’AOÛT.


À M. PATIN

après avoir suivi son cours de poésie latine


Quand Catulle par toi nous exprime Ariane,
La querelle des chœurs d’Hymen et de Diane,
Du délirant Atys le sexe ensanglanté,
Ou Lesbie et lui-même en ses feux raconté,
Sa joie et sa ruine, et, tout après l’injure,
La plainte si pieuse et la flamme encor pure ;
Quand, par tout son détail, en tes fines leçons
Nous suivons le poëte, et que nous saisissons
Tant de génie inclus sous une forme brève
Et tant d’efforts certains d’où Virgile relève,
Quelquefois, au milieu du discours commencé,
Un auditeur de plus, un vieillard tout cassé,
Qui revient par fatigue, à ce bout de carrière,
Se bercer aux échos de la muse première,
Un vieillard, du bâton aidant son pas tardif,
Descend et prend sa place à ce banc attentif ;
Et moi, du goût par toi méditant le mystère,
Je songe : Ce vieillard, supposons, c’est Voltaire !
C’est lui ! (car bien souvent dans mon rêve jaloux
Je me demande d’eux : Que diraient-ils de nous ?)
C’est lui donc : du tombeau réveillé par miracle,
Sans trop se rendre compte, il va cherchant oracle
Dans ce pays latin qu’à peine il reconnaît.
Il a vu la Sorbonne, et, maint grave bonnet
Lui passant en esprit : « Sachons ce qu’on y pense ! »
Il a dit, et, suivant quelqu’un qui le devance,