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PENSÉES D’AOÛT.


Oui, — mais, le lendemain de ces soirs si fervents,
Les beaux vœux dispersés s’en allaient à tous vents,
Vrais propos de festin dont nul ne tient mémoire.
Et la vie au dehors avait repris son cours ;
À chacun ses oublis ! un rayon de la gloire,
Un rayon des folles amours,
Ou le monde et ses soins, cent menus alentours,
Et le doute en travers qui chemine et nous presse.
— Tout ce projet d’hier, n’était-ce donc qu’ivresse ?

Que faire ? — Au moins sauver le projet dans son sein,
En garder le désir et l’idéal dessin ;
À chaque illusion dont l’âme devient veuve,
À chaque flot de plus dont le monde l’abreuve,
Tout indigne qu’on est, plein du deuil de son cœur,
Regagner en pleurant le cloître intérieur ;
Et rapporter de là, de la haute vallée,
Au plus bas de la vie inquiète et mêlée,
Même dans les erreurs, même dans les combats,
Même au sein du grand doute où s’empêchent nos pas,
Un esprit de pardon, d’indulgence et de larmes,
Une facilité de prier sous les armes,
Le souvenir d’un bien qui n’a pu nous tromper,
Un parfum que tout l’air ne pourra dissiper,
Et dont secrètement l’influence reçue
Nous suit par nos chemins et bénit chaque issue ;
Quelque chose de bon, de confiant au Ciel,
De tolérant à tous, écoutant, laissant dire,
N’ignorant rien du mal et corrigeant le fiel,
Religion clémente à tout ce qui soupire,
Christianisme universel !

Bien volontiers je crois avec ceux de notre âge,