II
À M. VIGUIER
Au temps des Empereurs, quand les Dieux adultères,
Impuissants à garder leur culte et leurs mystères,
Pâlissaient, se taisaient sur l’autel ébranlé
Devant le Dieu nouveau dont on avait parlé,
En ces jours de ruine et d’immense anarchie
Et d’espoir renaissant pour la terre affranchie,
Beaucoup d’esprits, honteux de croire et d’adorer,
Avides, inquiets, malades d’ignorer,
De tous lieux, de tous rangs, avec ou sans richesse,
S’en allaient par le monde et cherchaient la sagesse.
À pied, ou sur des chars brillants d’ivoire et d’or,
Ou sur une trirème embarquant leur trésor,
Ils erraient : Antioche, Alexandrie, Athènes
Tour à tour leur montraient ces lueurs incertaines
Qui, dès qu’un œil humain s’y livre et les poursuit,
Toujours, sans l’éclairer, éblouissent sa nuit.
Platon les guide en vain dans ses cavernes sombres ;
En vain de Pythagore ils consultent les nombres :
La science les fuit ; ils courent au-devant,
Esclaves de quiconque ou la donne ou la vend.
Du Stoïcien menteur, du Cynique en délire,
Dans leur main, chaque fois, le manteau se déchire.