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DE JOSEPH DELORME.

Je contemplais ce pli si brillamment tracé,
Ces vagues, leur écume et leur jet nuancé.
Quelques-unes, de loin déjà haussant leur crête,
S’efforçaient, sans pouvoir, à briller jusqu’au faite ;
D’autres, plus à l’écart, même n’y visaient pas,
Et, sans tant se gonfler, sans tant presser le pas,
Suivaient le train voulu, passaient, comme le sage,
De leur rayon modeste à la nuit du rivage.
Il en était qui, près du terme de leur vœu,
Déjà riches à voir et pleines d’un beau feu,
Prenant, chemin faisant, plusieurs flots dans leur lame,
Montant comme à l’assaut à la ligne de flamme,
Tout d’un coup, sans écueil, et sans qu’on sût pourquoi,
Par ce secret destin que chacun porte en soi,
Se brisaient, défaillaient, croulaient à l’anse obscure
Avec plus de risée, avec plus de murmure.
L’instant manqué d’abord ne reviendra jamais.

Mais toutes, aux mouvants, aux fragiles sommets,
À la marche plus humble, ou plus haut élancée,
Au plus ou moins d’éclat ou d’écume insensée,
Toutes, après leur bruit et leur feu d’un moment,
Au tournant du grand Cap, mouraient également !


FIN