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entre ses mains jusqu’à dix-sept : « Il avait un bon sens naturel qui, dès les premiers jours, me frappa ; il aimait la raison comme tous les autres enfants aiment les contes frivoles. » Joignez à cela l’esprit d’ordre et une mémoire étonnante. Il ressort pourtant de ces notes du Journal d’éducation que M. de Montpensier avait plus de distinction naturelle, quelque chose de plus fin, et qu’il trouvait que son frère aîné prenait un peu trop rondement les choses ; il le lui exprima même plus d’une fois avec la familiarité d’un camarade et d’un frère. Pour faire un vrai portrait de Louis-Philippe, il faudrait le surprendre dès cette première éducation et dans l’extrait de Journal qu’on a publié de lui (1790-1791), et qui en est la suite naturelle. On l’y verrait déjà se dessiner tel qu’il se montra sur le trône. M. de Valois (comme on l’appelait alors) n’annonçait en rien la fleur des anciens Valois, cette distinction suprême dans le goût, qui n’est pas toujours en accord avec le bon sens et avec la science pratique de la vie. Il apprend tout, il retient tout, il raisonnera bien de tout ; mais il n’est pas de ceux qui sentiraient naturellement ni la musique, ni la poésie, m les beaux-arts fins, ni la fine littérature ; ce qui n’empêchera pas qu’il n’en ait assez vu, assez manié et assez pratiqué de bonne heure, par les soins de son gouverneur infatigable, pour avoir la certitude de s’y connaître. J’en ferais bien autant, aurait-il pu dire de presque chaque production de ce genre qu’on lui aurait offert à considérer. Elle lui avait fait apprendre, en effet, et manipuler dès l’enfance tant de choses diverses, qu’il n’était presque aucune branche des connaissances ni des arts sur laquelle il ne pût se croire du métier, de manière à en remontrer à chacun dans l’occasion : il le laissait peut-être trop voir étant roi.

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