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pour en mieux tomber sur M. le Duc. Je dis donc au roi que je n’entrois point dans le fond de l’affaire de Mme de Lussan pour ne l’en pas importuner, mais que M. le chancelier et tout le conseil, M. le premier président et tout le parlement où elle avoit été portée, en avoient été indignés jusqu’à lui en avoir fait de fâcheuses réprimandes ; que cette femme m’ayant attaqué partout et par toutes sortes de mensonges, j’avois été contraint de me défendre par des vérités poignantes à la vérité, mais justes et nécessaires ; qu’avant de les publier j’avois supplié M. le Prince d’en entendre la lecture ; que je la lui avois faite, et qu’il avoit trouvé très-bon que je les publiasse ; que je n’avois jamais pu approcher de Mme la Princesse ni de M. le Duc ; qu’il étoit étrange qu’il s’intéressât plus dans l’affaire de la dame d’honneur de Mme la Princesse que M. le Prince même, lequel avoit fort gourmandé Mme de Lussan là-dessus ; qu’enfin Sa Majesté trouvoit bon que ses sujets eussent tous les jours des procès contre elle, et qu’il seroit étrange qu’on n’osât se défendre des mensonges de Mme de Lussan, dont la place seroit plus que la première du royaume, si elle lui donnoit le droit de plaider et de mentir sans réplique. J’ajoutai que M. le Duc ne me l’avoit jamais pardonné depuis, qu’il n’y avoit point d’occasion où je ne m’en fusse aperçu, et que c’étoit une chose horrible que moi, absent naturellement et à la Ferté, comme j’avois accoutumé à Pâques, et sans savoir M. le Prince en état de mourir, M. le Duc eût dit à Sa Majesté, sur l’affaire des manteaux, que c’étoit dommage que je n’y fusse et que je me donnerois bien du mouvement.

Le roi, qui m’avoit laissé tout dire, et sur qui je remarquai que j’avois fait impression, me répondit avec l’air et la façon d’un homme qui veut instruire, qu’aussi je passois pour être vif sur les rangs, que je m’y étois mêlé de beaucoup de choses, que je poussois les autres, et me mettois à leur tête. Je répondis qu’à la vérité cela m’étoit arrivé quelquefois, et qu’en cela même je n’avois pas cru rien faire qui