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mort sans enfants en 1705, et elle l’année suivante, aussi en Allemagne.

De toutes ces alliances, il espéra assez de crédit dans les Provinces-Unies, dans les Pays-Bas et à Vienne, pour procurer au prince d’Auvergne, à qui dans cette chimère il persuada sa désertion, d’assez grands établissements qui, aidés du service et des grades militaires, et de ses terres dans ces pays-là, le portassent au stathoudérat comme sorti du fameux prince d’Orange, dont la mémoire est encore si chère à la république qu’il a fondée. Dans cette chimère, il avoit fait faire à sa sœur de Bavière, qui étoit riche, un testament par lequel elle donna tous ses biens au prince d’Auvergne, au préjudice de M. de Bouillon et de ses enfants, et au défaut de toute postérité du prince d’Auvergne à la maison de Bavière. Le dessein du cardinal étoit d’enrichir ce prince d’Auvergne et sa branche, et d’intéresser en lui, en ses biens et en sa branche, la maison de Bavière par cette substitution qui la regardoit. Il se repaissoit donc de ces idées et des heureux arrangements qu’il avoit ménagés pour en disposer les succès, tandis qu’il erroit d’abbaye en abbaye, qu’il tuait le temps en voyages à petites journées, et qu’il guerroyoit avec ses moines. En même temps il épargnoit, avec un soin qui pouvoit passer pour avarice, les grands revenus dont il jouissoit en bénéfices immenses et en patrimoine, dont il n’avoit jamais voulu se dessaisir ; et il amassoit pour les futures contingents dont l’ennui et le dépit de sa situation le tentoit, et pour lesquels il vouloit toujours être préparé. Dans cet esprit il fit passer beaucoup d’argent en pays étrangers, et ne garda que le nécessaire, le portatif et des pierreries, pour être en liberté de faire toutefois et quantes tout ce qu’il voudroit.

Dans ces pensées, outré de ne voir point de fin à son exil ni aux entreprises de ses moines, il profitoit de l’adoucissement de son exil, qui lui permettoit d’aller et de venir sans s’approcher trop près, pour aller de ses abbayes de