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la maison de la future duchesse de Berry seroit formé sur le pied de celle de Madame. Ainsi toute la distinction fut pour Mme de Saint-Simon et pour la dame d’atours, qui en profita à cause d’elle, et cela fit un nouveau bruit. Le personnel a peu contribué à l’étendue que j’ai donnée au récit de l’intrigue de ce mariage, et à ce qui se passa sur le choix de Mme de Saint-Simon ; le développement et les divers intérêts des personnes et des cabales, la singularité de plusieurs particularités, et l’exposition naturelle de la cour dans son intérieur m’ont paru des curiosités assez instructives pour n’en rien oublier.

Le jour que Mme de Saint-Simon fut déclarée, Mme de Maintenon manda à la duchesse de Ventadour de faire savoir à Mme de La Vieuville qu’elle étoit dame d’atours de la future duchesse de Berry. Elle vint dès le soir à Versailles. Le roi ne la vit que le lendemain, et en public, dans la galerie en allant à la messe. Elle ne fut reçue en particulier nulle part, et froidement partout, même de Monseigneur, quoique protégée et menée par Mme d’Espinoy. Mme de Maintenon fut encore plus franche avec elle. Elle interrompit ses remercîments, l’assura qu’elle ne lui en devoit aucun, ni à personne, et que c’étoit le roi tout seul qui l’avoit voulue. C’étoit une demoiselle de Picardie qui s’appeloit La Chaussée d’Eu, comme La Tour d’Auvergne, parce qu’elle étoit de la partie du comté d’Eu qui s’étend en Picardie. Elle étoit belle, pauvre, sans esprit, mais sage, élevée domestique de Mme de Nemours où on l’appeloit Mlle d’Arrez [1], et où M. de La Vieuville s’amouracha d’elle et l’épousa, ayant des enfants de sa première femme qui avoit plu au roi étant fille de la reine et qui étoit sœur du comte de La Mothe [2],

  1. Jérôme, seigneur de La Chaussée d’Eu, prenait le titre de comte d’Arrest. Saint-Simon écrit Arrez et non Aurez, comme on l’a imprimé dans les précédentes éditions.
  2. Voy. à la fin du volume une note sur Mlle de La Mothe-Houdancourt, qui avait été une des filles de la reine Anne d’Autriche.