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la lui nommant, il me dit qu’il espéroit que ce ne seroit pas elle.

L’entrée de la tribune mit fin à ce bizarre colloque. Après la messe je montai chez Mme de Nogaret. Dès qu’elle me vit elle me dit qu’elle en étoit dans l’impatience ; que Mme la duchesse de Bourgogne l’avoit chargée de me parler sur la place de dame d’honneur, et de me représenter telles et telles choses, les mêmes qu’elle avoit dites à Mme de Saint-Simon dans son cabinet ; surtout de me bien faire entendre que j’étois perdu à fond et sans ressources, moi et les miens, si je refusois ; que le roi savoit que je n’en voulois point ; qu’après avoir cherché qui la pourroit remplir, il n’en avoit trouvé nulle autre que Mme de Saint-Simon ; qu’il étoit buté (ce fut le terme) à ce qu’elle acceptât ; et que non-seulement le dépit du refus me perdroit, mais la nécessité encore de lui en faire choisir une autre qu’il ne trouvoit point, et de le forcer à la prendre désagréable et malgré lui ; ce qu’il ne me pardonneroit jamais, et se plairoit à me faire sentir en tout le poids de sa disgrâce. Alors Mme de Nogaret m’avoua que Mme la duchesse de Bourgogne lui avoit raconté, à la fin de Marly, toute son audience à Mme de Saint-Simon, et lui avoit dit que, pressée par le roi à l’excès sur Mme de Saint-Simon, elle n’avoit pu en sortir, sans mensonge ou sans lui nuire que par l’aveu de notre résolution au refus, dont le roi s’étoit, conditionnellement, extrêmement irrité, c’est-à-dire si nous y persistions, comme au contraire l’acceptation feroit sur lui un effet tout différent.

Je contai à Mme de Nogaret tout ce qui s’étoit passé là-dessus entre Mme la duchesse d’Orléans et moi, et tout à l’heure encore entre M. le duc d’Orléans et moi, dont le mot lâché que j’obéirois fit un grand plaisir à Mme de Nogaret, dans l’aspect de l’extrême péril où elle nous voyoit. En effet, il étoit sans ressources de tous côtés, présents et futurs, parce que tous s’étoient mis dans la tête cette place avec tant de volonté ou d’intérêt, que le dépit du refus les auroit offensés