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de toutes les dames titrées, parce que je comprenois bien qu’avec l’étrange exemple et si nouveau des deux dames d’honneur de Madame on n’en voudroit point d’autres pour une duchesse de Berry ; que dans ce nombre il étoit impossible qu’il ne s’en trouvât plusieurs très-convenables, et qu’elle-même en demeureroit convaincue. Cela dit, je changeai tout de suite de propos.

Le lendemain j’allai chez elle, ma liste en poche, résolu de lui bien faire entendre que mes réponses n’étoient pas modestie, mais refus absolu civilement tourné. Je trouvai chez elle un très-petit nombre de compagnie très-familière ; mais il falloit le tête-à-tête pour reprendre les propos de la veille. Je tournai doucement la conversation sur le grand-nombre de tabourets, je parvins naturellement à les faire nommer, et, sous prétexte de soulager la mémoire, de tirer la liste de ma poche disant, en regardant bien Mme la duchesse d’Orléans, que je l’y avois oubliée depuis quelques jours que j’en avois eu besoin. Je la lus et la remis dans ma poche après lui avoir ainsi témoigné que je lui tenois promptement parole, autant que cela se pouvoit sans être seuls, résolu, après ce que je venois de faire, de ne remettre pas ce propos le premier avec elle, qui devoit bien entendre ce que je pensois là-dessus, et qui ne l’entendit que de reste, mais qui avoit résolu de ne le pas entendre. Ce redoublement d’attaque si vive, et si à découvert, me donna beaucoup d’inquiétude, et à Mme de Saint-Simon encore plus. Elle et moi abhorrions également une place si au-dessous de nous en naissance et en dignité ; et, bien que nous comprissions que l’orgueil royal n’y mettroit qu’une femme assise, nous ne voulions pas au moins que ce ravalement portât sur nous. Nous crûmes donc qu’il étoit à propos de prendre nos mesures de bonne heure, moi de parler net au duc de Beauvilliers, et Mme de Saint-Simon à Mme la duchesse de Bourgogne, puisque d’en dire davantage à Mme la duchesse d’Orléans, après ce qui s’étoit passé avec elle, n’arrêteroit