Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/144

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’eau bénite avec les cérémonies qui ont été décrites ailleurs. Les mêmes parents conviés à celles de M. le Prince accompagnèrent M. le Duc pour recevoir M. le prince de Conti, et le cœur aux jésuites. Le corps fut porté à Valery sans cérémonie, où M. le Duc seul se trouva, et coucha en chemin à Saint-Ange, belle et singulière maison de Caumartin, où feu M. le Duc avoit couché de même en rendant moins d’un an auparavant le même devoir à M. son père. De service ni d’oraison funèbre, il n’y en eut point. Personne ne se soucia assez de M. le Duc pour s’importuner de l’un, et la matière de l’autre eût été fort difficile. Au retour de ce voyage le roi mit M. le Duc sous la tutelle de d’Antin pour la gestion de ses biens, comme il y étoit déjà pour ses charges, de concert avec Mme la Duchesse, et lui défendit de découcher des lieux où il seroit, sans permission. Il eut l’entrée du cabinet l’après-soupée comme fils de Mme la Duchesse, et d’Antin fut aussi chargé d’avoir l’œil sur sa conduite. Ce fut par lui que Mme la Duchesse envoya au roi le portefeuille de feu M. le Duc, qui regardoit la maison du roi où il projetoit de réformer beaucoup d’abus et de pillages. D’Antin, peu ami du duc de Beauvilliers, y travailla seul avec le roi plusieurs [fois], qui cassa et interdit plusieurs maîtres d’hôtel et régla quantité de choses ; ainsi Livry, premier maître d’hôtel, y courut un grand risque, quoique, pour tout ce qui est de la bouche, sa charge depuis les Guise, grands maîtres, ne dépendît plus de celle-là ; mais le duc de Beauvilliers, dont il avoit épousé la sœur pour rien, le prit si haut et si ferme, contre son ordinaire, qu’il en fut quitte pour quelques réformations légères, après la peur d’être chassé avec deux maîtres d’hôtel qui eurent ordre de vendre leur charge.

Mme la Duchesse étoit retombée dans une affliction qui surprit tout le monde. Elle disoit à ses familières que l’humeur de M. le Duc à son égard étoit fort changée depuis quelque temps, et à d’autres moins intimes, elle ne se