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de le marquer. Mme de Saint-Simon, qui étoit dans la chambre de Mme la Dauphine, se trouva par hasard une des premières qui vit ce prince nouveau-né parmi toutes celles qui y étoient. L’accouchement et ses suites furent fort heureux.

Il se fit en même temps deux mariages auxquels je pris grande part. Le duc de Chevreuse, avec tout son esprit pénétrant, réglé et métaphysique, s’étoit si parfaitement ruiné, à force de vouloir faire ses affaires lui-même et tendre toujours au mieux, que, sans le gouvernement de Guyenne, il n’auroit pas eu de quoi vivre. Il avoit fait beaucoup de belles choses à Dampierre. Il avoit creusé un canal depuis ses forêts de Montfort et de Saint-Léger jusqu’à Mantes, avec des frais infinis et des dédommagements immenses aux riverains, pour porter ses bois jusqu’à la Seine à bois perdu, dans lequel canal il n’a jamais coulé un muid d’eau. Ensuite il fit paver toute sa forêt pour en tirer ses bois, sans aucun usage, et il essuya enfin une grande banqueroute de ses marchands. Il chercha un riche mariage pour le duc de Luynes, fils du feu duc de Montfort, son fils aîné, quoiqu’il fût encore fort jeune. Ce bâtard du dernier comte de Soissons prince du sang, dont j’ai parlé ailleurs, que Mme de Nemours avoit choisi pour en faire son héritier, avoit laissé deux filles de la fille du maréchal-duc de Luxembourg. L’aînée avoit quatre-vingt mille livres de rente en belles terres, et n’avoit qu’une sœur qui en devoit avoir presque autant, outre les pierreries et les autres choses qu’elles pouvoient encore espérer de Mme de Nemours, qui n’avoit d’yeux que pour elles ni de volonté que pour ôter tout à ses héritiers naturels. M. de Luxembourg, leur oncle, gendre en premières noces de M. et de Mme de Chevreuse, sans enfants, avoit toujours conservé avec eux la liaison la plus intime. Il fit ce mariage, dont les biens, la figure de la jeune femme et le côté maternel étoient à souhait.