Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/105

Cette page n’a pas encore été corrigée

ministres, contre lesquels tout lui étoit bon ; conséquemment il fut très-bien avec Voysin aussitôt qu’il fut en place. Tout cela se passoit souterrainement. Tant de liaisons importantes ne rendant rien, il en tomba peu à peu dans un chagrin qui devint noir, qui attaqua sa santé et qui fit craindre pour sa tête. Il fut près d’un an chez lui sans vouloir voir personne que le premier écuyer, sa femme, et un ou deux autres devant qui il ne retenoit pas ses faiblesses. Les médecins furent longtemps sans savoir ce que cela de-viendroit, parce qu’ils sentirent que ce n’étoit pas de leur art que dépendoit cette guérison. Ses amis se remuèrent vers les remèdes qu’il lui falloit, le poulièrent [1] à Marly, et le soulagèrent, mais non encore entièrement. C’est l’état où il étoit quand il fut question de nommer des plénipotentiaires pour les conférences de Gertruydemberg.

Torcy, ami intime de l’abbé de Polignac, l’avoit, comme on a vu, tiré d’un péril imminent et fort dangereux, en le dépaysant ; et lui en avoir su tirer grand parti, avec le même appui, pour s’assurer d’un chapeau. Cela fait, et l’intervalle long de son absence, il eut envie de se rapprocher. Torcy, qui le destinoit à travailler à la paix, pour le tenir toujours en besogne lui procura la permission de faire un tour à la cour de quelques mois, sans quitter son auditorat de rote [2] où il brilloit, et pour avoir où le renvoyer au loin si le cas y échéoit. Il étoit arrivé sur la fin de l’année précédente, et fut assez bien reçu du roi, et très-bien de la cour, surtout des dames. Ce retour me procura une confidence.

Il faut se souvenir de la conversation que j’eus sur lui avec le duc de Beauvilliers, ci-devant (t. V, p. 97, 98) et de la manière dont il reçut ce que je lui dis. Oncques depuis nous ne nous étions fait mention de l’abbé de Polignac l’un à

  1. Mot déjà employé par Saint-Simon dans le sens de hisser avec une poulie.
  2. Voy., t. II, p. 383, note, en quoi consiste le tribunal de rote.