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En effect, qui ne jugera par cet exemple que, si ces deux illustres reliques du genre humain n’eussent esté en la protection des Muses, elles n’eussent daigné les recevoir en leur saincte demeure pour les garantir d’un si pitoyable desastre, et conserver en eux la race des hommes, qui s’en allait faire naufrage avec tout le reste de l’univers ? Ce n’est pas, Monseigneur, que je presume rien de mon esprit, ny que je pense que vostre nom ait besoin de moy pour se mettre à couvert des outrages que le Temps fait aux plus telles choses. Vos vertus sont trop eclattantes pour emprunter d’ailleurs quelque lumière ; il n’est point d’honneste-homme[1] qui ne les estime ; et moy, qui me figure les avoir connues plus particulierement qu’aucun autre, en l’honneur que vous m’avés faict de me permettre vostre familiere conversation, j’avoue que je me sens incapable de les louer assès dignement. Aussi, bien loin de croire que mes ouvrages puissent rendre votre renommée plus celebre qu’elle n’est, je m’attends plutost à recevoir de vous ce que je pourrois donner à un autre. Neantmoins, Monseigneur, la vanité dont mes amis me flattent, que mes vers ne mourront pas avecques moy, et qui se fortifie principalement par la bonne opinion que vous m’en avez fait concevoir, me persuade que j’auray peut-estre la gloire de vivre avecques vous longtemps après que je ne seray plus au monde, si

  1. L’honnête homme, c’est l’homme de bonne société. (V. Walckenaër, Mém. sur Mme de Sévigné, notes.) Faret a écrit un volume sous ce titre.