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Mais s’a bien esté le pire
Quand ce Précontat d’enfer
A fait approcher le fer
Des trous par où je respire :
Mes moustaches au poil vieux
Le disent à tous les feux
D’une façon misérable,
Et leur orgueil vénérable
Ne menace plus les cieux.

Las ! elles s’en vont en poudre
Dès que j’y porte les doigts.
Et sentent comme autrefois
Phlegre sentit sous la foudre ;
Les bigottes[1] des mutins.
Aux fiers membres gigantins,
Qui grillerent dessus l’herbe,
En leur dessein trop superbe
Eurent les mesmes destins.

Quand je voy mon pauvre garbe[2]
Si matement accoustré,
Je voudrois estre chastré,
Et donne au diantre la barbe ;
Je dis que nature a tort
Se m’avoir chargé si fort
De cette bourre inutile,
Et clabaude en pietre stile
Des humains et de leur sort.

Courage ! il faut que j’imite
Neuf-Germain[3] par le menton,
Laissant croistre ce coton

  1. Moustaches.
  2. Visage.
  3. « Neuf-Germain, pauvre hère de poète, depuis long-temps porte une grande barbasse. » Un jour, je ne sais quel filou lui