Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ÉLÉGIE.


Que dira-t-on de moy si je ne dis rien d’elle ?
Si mes yeux ayant veu cet unique modelle
Des plus majestueux et plus brillans appas
Mon cœur lâche et muet ne le temoigne pas ?
Bien, j’en parleray donc ; mais, ô dieux ! qu’en diray-je ?
Car de luy faire un teint qui surpasse la neige
Quand elle vient couvrir les monts de sa blancheur,
D’y mesler mainte rose en sa pure fraischeur,
De luy parer le front de deux estoiles vives,
D’honorer ses cheveux de mille ames captives,
De former d’un rubis la porte de sa vois,
De chanter que d’un pin qui regne dans les bois
Nature luy donna la beauté de la taille ;
Bref, sur un tel sujet ne dire rien qui vaille,
Et dire cependant ce qu’on peut de subtil.
Si ce n’est mesme chose, helas ! que s’en faut-il ?
Parlons donc, pour le moins, de l’ardeur agréable,
Du tourment amoureux, du plaisir incroyable
Que j’eus à son abord, bien qu’à peine un moment
Me laissa possesseur de ce contentement ;
Mais ce que j’entreprens est-il moins dificile ?
Le feu perpétuel qui flambe en la Sicile
Est-il plus violent quand il va jusqu’aux cieux
Que celuy que l’amour m’a versé par les yeux ?
Et parmy tout cela, dans ces divines plaines