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Ville où j’ay tant traisné mes guestres,
Que j’en dois mieux sçavoir les astres
Qu’un rat ne fait de son grenier,
Je le chante l’adieu dernier.
Adieu doncques, Paris sur Seine,
Seine, riviere humide et pleine,
À Sanitas nommée ainsi,
Comme dit quelque autheur chansi.
Adieu Paris, cité superbe,
Paris sans pair, rare proverbe !
Qui montre, en cachant mille appas,
Que Vaugirard ne te vaut pas.
Adieu Pont-Neuf, sous qui l’eau passe,
Si ce n’est quand hyver la glace :
Car, adonc ne bougeant d’un point,
Elle est ferme, et ne passe point.
Adieu, roy de bronze ou de cuivre,
Qu’à pié l’on peut aisement suivre,
Quoy que vous soyez à cheval,
Sans aller par mont ny par val ;
Adieu, belle place Dauphine[1],
Où l’eloquence se r’affine
Par ces basteleurs, ces marmots,
De qui j’ay pris tant de beaux mots
Pour fabriquer mes epigrammes,
Bon mots qui, plus pointus que lames,
Font qu’on ne peut, sans se picquer,
En torche-culs les appliquer.
Adieu ! vous que tout au contraire
J’ay souvent fournis de quoy braire :

  1. Cf. les Adieux au Marais de Scarron, et la satire de Boileau sur le même sujet. La place Dauphine et le Pont-Neuf étoient encombrés par les bouquinistes, les bateleurs, les charlatans (Mander, Tabarin, etc.), les chanteurs (le Savoyard, etc.).