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Le Melon.

(Parole pour moy bien estrange),
Ne sont qu’amertume et que fange
Au prix de ce melon divin,
Honneur du climat angevin[1].
Que dis-je, d’Anjou ? je m’abuse :
C’est un fruit du crû de ma muse,
Un fruit en Parnasse eslevé,
De l’eau d’Hyppocrene abreuvé,
Mont qui, pour les dieux seuls, rapporte
D’excellens fruits de cette sorte,
Pour estre proche du soleil,
D’où leur vient ce goust nompareil :
Car il ne seroit pas croyable
Qu’un lieu commun, quoy qu’agreable,
Eust pu produire ainsi pour nous
Rien de si bon ni de si dous.
Ô vive source de lumiere !
Toy dont la route coustumiere
Illumine tout l’univers ;
Phœbus, dieu des fruits et des vers,
Qui tout vois et qui tout embrasses,
Icy je te rends humbles grâces
D’un cœur d’ingratitude exent,
De nous avoir fait ce present ;
Et veux, pour quelque recompense,
Dire en ce lieu ce que je pense
Et de ce melon et de toy,
Suivant les signes que j’en voy.
Mais que tandis, ô chère troupe,
Chacun laisse en repos la coupe,
Car ce que je vous vay chanter
Vaut bien qu’on daigne l’escouter :

  1. Les melons de Mazé, village à cinq lieues d’Angers, sont encore fameux.