Le gentil papillon la suit
D’une aisle tremoussante,
Et, voyant le soleil qui luit,
Vole de plante en plante,
Pour les advertir que le jour
En ce climat est de retour.
Là, dans nos jardins embellis
De mainte rare chose,
Il porte de la part du lys
Un baiser à la rose,
Et semble, en messager discret,
Luy dire un amoureux secret.
Au mesme temps, il semble à voir
Qu’en esveillant ses charmes,
Ceste belle luy fait sçavoir,
Le teint baigné de larmes,
Quel ennuy la va consumant
D’estre si loing de son amant.
Et mesme elle luy parle ainsi
En son muet langage :
Helas ! je deviendray soucy
Au mal-heur qui m’outrage,
Si de ma fidelle amitié
Mon fier destin ne prend pitié.
Amour, sur moy comme vaincœur,
Exerce ses rapines,
Et moins en mes bras qu’en mon cœur
Je porte des espines ;
Mais je ne vivray pas longtemps :
C’est le seul bien où je m’attends.
Encore si, pour reconfort,
Quelques beaux doigts me cueillent
Avant que, par un triste sort,
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