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presqu’en entier, et l’on y remarquera même assurément ces vers sublimes où il dit :

J’escoute, à demy transporté,
Le bruict des aisles du Silence
Qui vole dans l’obscurité.

Cospeau avoit demandé au poète quels étaient ses amusements. Celui-ci lui répond, dans une large et riche poésie, quelles sont ses pensées.

Faret regarde « ce divin Contemplateur comme une sublime leçon de la plus haute philosophie chrétienne et morale. » Sans partager d’une manière absolue son opinion, nous reconnoîtrons que cette pièce forme dans le recueil des œuvres de Saint-Amant une heureuse exception, et que cette sorte d’isolement la rend plus remarquable encore.

Le Contemplateur est suivi de trois pièces dont le sujet, le sujet seul, a été tiré d’Ovide. — Comme la plupart des poètes de son temps. Saint-Amant avoit de grandes prétentions à l’originalité, et repoussoit avec une susceptibilité pointilleuse le reproche d’imitation.

L’exemple encore récent de l’exagération où étoît tombé Bonsard et son école en voulant imiter de l’antiquité, non pas seulement les tournures de style que l’usage consacra dès l’origine de notre littérature, mais jusqu’au vocabulaire, que le génie de la langue repoussoit ; le souvenir des leçons inflexibles de Malherbe, l’autorité de ce goût trop sévère pour être juste qui biffa successivement une moitié, puis l’autre, des vers de Ronsard ; le nouveau goût du siècle enfin, rendoient les auteurs extrêmement timides, quelquefois effrontés plagiaires. Parceque Ronsard avoit trop fait, ils n’osoient pas faire assez. Ronsard, du Bartas, et les autres imitateurs serviles de Pindare, trébuchèrent de haut ; Saint- Amant se tient sur ses gardes ; il ne prend à Ovide que son sujet, pour l’embellir à sa façon. Ne ressemble-t-il pas à un homme qui, au lieu de cueillir une fleur, détacheroit le bouton voisin, au risque de ne pas le voir éclore ?