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Tous nos mouvements à la guerre,
Qu’à nous voir en ce poinct dans les jeux de Cypris
On eust dit que toute la terre
Estoit d’un tel combat le sujet et le pris.

Cependant en cette querelle
Suffisoit à nous contenter
Le lien qu’elle daignoit prester
À nos corps estendus sur elle.
Nous l’estimions plus mille fois
Que tous les païs que nos rois
Ont eus sous leur obeissance,
Ni mesme que ces lieux pour qui ce grand demon
Qui detient l’or en sa puissance
Fit treuver aux nochers l’usage du timon.

Dieux ! quelle plume assez lascive,
Fust-ce de l’aile d’un moineau,
D’un combat si doux et si beau,
Decriroit l’ardeur excessive ?
Jamais, alors qu’à membres nus
Adonis embrassoit Venus,
Tant de bon tours ne s’inventerent,
Ni jamais l’Amour mesme et sa belle Psiché
Tant de delices ne gousterent,
Que nos sens en goustoient en ce plaisant peché.

La langue, estant de la partie,
Si-tost qu’un baiser l’assiegeoit,
Aux bords des levres se rengeoit,
Afin de faire une sortie ;
L’ennemy, recevant ses coups,
Souffroit un martyre si dous,
Qu’il en benissoit les atteintes ;
Et mille longs souspirs, servant en mesme temps
De chants de victoire et de plaintes,
Monstroient que les vaincus estoient les plus contens.