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Qui n’eust pas creu tirer des gerbes
Assez de grain pour en semer ;
Bref, la terre en cette contrée,
D’une beante soif outrée,
N’avoit souffert rien de pareil
Depuis qu’une audace trop vaine
Porta le beau fils de Climene
Sur le brillant char du Soleil.

Mais les dieux, mettant bas les armes
Que leur font prendre nos pechez,
Veulent temoigner par des larmes
Que les nostres les ont touchez.
Déjà l’humide Iris estale
Son beau demy-cercle d’opale
Dedans le vague champ de l’air,
Et, pressant mainte epaisse nue,
Fait obscurcir à sa venue
Le temps qui se monstroit si clair.

Ces pauvres sources epuisées
Qui ne couloient plus qu’en langueur,
En tressaillent comme fusées
D’une incomparable vigueur ;
Je pense, à les voir si hautaines,
Que les eaux de mille fontaines
Ont ramassé dedans ces lieux
Ce qui leur restoit de puissance,
Pour aller, par reconnoissance,
Au devant de celles des cieux.

Payen, sauvons-nous dans ta sale,
Voilà le nuage crevé.
Ô comme à grands flots il devale !
Déjà tout en est abbreuvé.
Mon Dieu ! quel plaisir incroyable !
Que l’eau fait un bruit agreable,