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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

au règne animal ; mais comme personne n’a jamais vu, du moins jusqu’à présent, cette substance médiatrice, nous prierons l’auteur de nous la faire voir, afin que nous n’en doutions pas. »

Et comme Marat, discutant les arguments de certains médecins, établit que, bien que l’âme ne soit pas matérielle et n’occupe aucun lieu à la manière des corps, il ne s’ensuit pas cependant qu’elle n’ait aucun siège déterminé : « Non, monsieur ! s’écrie Voltaire ; mais il ne s’ensuit pas non plus qu’elle demeure dans les méninges, qui sont tapissées de quelques nerfs. Il vaut mieux avouer qu’on n’a pas vu encore son logis. »

Toute la critique de l’ouvrage est sur ce ton très-vif, et Voltaire malmène fort le médecin du comte d’Artois. « M. Marat semble avoir calomnié la nature humaine plus qu’il ne l’a connue… Après avoir lu cette longue déclamation en trois volumes, qui nous annonce la connaissance parfaite de l’homme, je ne puis dire qu’une chose, c’est qu’il eût été plus sensé de s’en tenir à la description de l’homme, telle qu’on la voit dans le second et le troisième tome de l’Histoire naturelle. C’est là en effet qu’on apprend à se connaître, c’est là qu’on apprend à vivre et à mourir ; tout y est exposé avec vérité et avec sagesse, depuis la naissance jusqu’à la mort. » Voltaire, comme on voit, avait fait alors sa paix avec Buffon.

Mais encore une fois nous pouvons dire que le bilan du xviiie siècle en fait de physiologie est à peu près nul. Pour trouver les véritables origines de cette science, il faut aller jusqu’à Bichat, dont les premières publications sont de l’année 1800. Nous aurons occasion de voir tout à l’heure comment le xviiie siècle, dans ses dernières années, c’est-à-dire après la mort de Voltaire, a créé la chimie, a créé la botanique ; mais