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y ayans faict leur traite, et agreé pour quelques petits presens de nous conduire en leur pays le Pere Ioseph, le Pere Nicolas et moy, nous partismes en mesme temps auec eux, après auoir premierement inuoqué l’assistance de nostre Seigneur, à ce qu’il nous conduisist et donnast vn bon et heureux succez à nostre voyage, le tout à sa gloire, à nostre salut, et au bien et conuersion de ces pauures peuples.

Mais pour ce que les Hurons ne s’associent que cinq à cinq, ou six à six pour chacun canot, ces petits vaisseaux n’en pouuans pour le plus, contenir qu’vn dauantage auec leurs marchandises : il nous fallut necessairement separer, et nous accommoder à part, chacun auec vne de ces societez ou petit canot, qui nous conduisirent iusques dans leur pays, sans nous plus reuoir en chemin que les deux premiers 62|| iours que nous logeasmes auec le Pere Ioseph, et puis plus, iusques à plusieurs sepmaines apres nostre arriuée au pays des Hurons ; mais pour le Pere Nicolas, ie le trouuay pour la premiere fois, enuiron deux cens lieuës de Kebec, en vne Nation que nous appelions Epicerinys ou Sorciers, et en Huron Squekaneronons.

Nostre premier giste fut à la riuiere des Prairies, qui est à cinq lieuës au dessous du Saut Saint Louis, où nous trouuasmes desia d’autres Sauuages cabanez, qui faisoient festin d’vn grand Ours, qu’ils auoient pris et poursuiuy dans la riuiere, pensant se sauuer aux Isles voysines, mais la vitesse des Canots l’ataignit, et fut tué à coups de flesches et de massuë. Ces Sauuages en leur festin, et caressans la chaudiere, chantoient tous ensemblement, puis alternatiuement