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suivre une carrière bien différente de la sienne.

Mon existence, après les malheurs qui m’étaient arrivés, dépendant uniquement de ma nouvelle hôtesse, je me résignai à tout ce qu’elle me recommanda ; mais à peine fus-je seule, que je me mis néanmoins à réfléchir de nouveau sur l’abandon et sur l’ingratitude de madame Delbène. Hélas ! me disais-je, pourquoi mon malheur la refroidit-il ? Juliette pauvre, ou Juliette riche, formait-elle deux créatures différentes ? Quel est donc ce caprice bizarre qui fait aimer l’opulence et fuir la misère ? Ah ! je ne concevais pas encore que l’infortune dût être à charge à la richesse, j’ignorais combien elle la craint… à quel point elle la fuit, et que, de la frayeur qu’elle a de la soulager, résulte l’antipathie qu’elle a pour elle ; mais, poursuivais-je dans mes réflexions, comment cette femme libertine… criminelle même, ne redoute-t-elle pas l’indiscrétion de ceux qu’elle traite avec tant de hauteur ? Autre enfantillage de ma part ; je ne connaissais pas l’insolence et l’effronterie du vice étayé par la richesse et par le crédit : madame Delbène était supérieure