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nocence, la dégrade et l’anéantit. Ah ! toutes les vertus doivent habiter là, j’en suis sûre ; et quand la perversité de l’homme les exile de dessus la terre, c’est là, c’est dans cette retraite paisible qu’elles vont s’ensevelir au sein des êtres fortunés qui les chérissent et qui les cultivent chaque jour : cette vue échauffait d’autant plus vivement l’imagination de Justine, que les sentimens de la plus ardente piété ne l’avaient abandonné dans aucune circonstance de sa vie, méprisant les sophismes d’une fausse philosophie, les croyant tous émanés du libertinage, bien plus que d’une intime persuasion ; elle leur opposait sa conscience et son cœur, et trouvait, au moyen de l’un et de l’autre, tout ce qu’il fallait pour y répondre ; souvent contrainte par ses malheurs de négliger les devoirs de sa religion, elle réparaît ce tort avec empressement dès qu’elle en avait les moyens. Pleine des idées que nous venons de lui voir, elle interroge sur l’habitation qui s’offre à elle, une jeune fille de seize à dix-sept ans, qu’elle apperçoit gardant des moutons ; elle lui demande quel est ce couvent. C’est une abbaye de bénédictins, lui répond la bergère, occupée par six religieux dont rien n’égale la piété, la con-