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matin dans des sentimens qui n’avaient pas, il s’en faut, sa félicité pour objet.

Cependant la prudence suspendait encore mes desseins ; je ne possédais que la moitié de ma conquête ; et, pour y joindre Joséphine, j’avais besoin d’employer Sulpice. Quelques jours après nos orgies, je lui parlai de ses affaires de cœur. Hélas ! me répondit-il, je desire infiniment la jouissance de cette charmante fille ; mais la timidité m’enchaîne, et je n’ose lui rien témoigner. Cette timidité, répondis-je, n’est qu’un enfantillage ; il n’y a pas plus de mal à desirer la jouissance de votre sœur que celle d’une autre femme : au contraire, il y en a moins, sans doute ; plus nous avons de liens avec un objet, plus nous devons le soumettre à nos passions ; il n’est de sacré dans le monde que leur organe ; il n’est de crime qu’à leur résister. Je suis persuadé que votre sœur est pénétrée pour vous des mêmes sentimens dont vous brûlez pour elle ; déclarez hardiment les vôtres, et vous la verrez y répondre : mais il faut précipiter l’aventure ; ce n’est qu’ainsi que l’on réussit : qui ménage une femme, la manque ; qui la brusque, est sûr de la vaincre : gardez-vous bien de leur donner jamais le