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Il n’est rien d’aussi absurde sans doute que le systême des gens qui s’acharnent à dire que l’ame est une substance différente du corps ; leur erreur vient de l’orgueil qu’ils mettent à supposer que cet organe intérieur a le pouvoir de tirer des idées de son propre fonds. Séduits par cette première illusion, quelques-uns d’entr’eux ont porté l’extravagance au point de croire que nous apportons en naissant des idées innées. D’après cette ridicule hypothèse, ils ont fait de la partie qu’ils ont nommé ame une substance isolée, et lui ont accordé le droit imaginaire de penser abstractivement de la matière dont elle émane uniquement : ces opinions monstrueuses ne se justifiaient qu’en disant que les idées sont les seuls objets de la pensée, comme s’il n’était pas prouvé qu’elles ne peuvent nous venir que des objets extérieurs, qui, en agissant sur nos sens, ont modifié notre cerveau ; chaque idée sans doute est un effet ; mais quelque difficile qu’il soit de remonter à sa cause, pouvons-nous supposer qu’elle ne soit pas due à une cause ? Si nous ne pouvons acquérir d’idées que par des substances matérielles, comment pouvons-nous supposer que la cause de nos idées puisse être immatérielle ? Oser soutenir