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tempérance universellement régner parmi nous. Voilà ce qui s’appelle des graces d’état, dit Justine ; pour moi, je te déclare que je ne cesserai jamais de pleurer et de frémir. Mais achèves mon instruction, je t’en prie, et dis-moi si les moines peuvent quelquefois sortir des sujets du couvent ? Cela ne leur arrive jamais, dit Omphale ; on ne respire plus l’air de la liberté une fois engloutie dans cette maison. De ce moment, aucun espoir ne nous est permis ; il ne s’agit que d’attendre un peu plus… un peu moins de tems ; mais notre sort est toujours le même. Depuis que tu es ici, poursuivit Justine, tu as dû voir de furieux changements. — Je n’en ai que douze au-dessus de moi ; excepté cela, j’ai vu renouveler plusieurs fois toute la maison. — Et tu y as perdu beaucoup d’amies ? — de bien chères ! — Oh ! que de douleurs ! Moi qui voudrais t’aimer, l’oserai-je, s’il faut nous séparer si-tôt ! et ces deux tendres amies s’enlaçant dans les bras l’une de l’autre, arrosèrent un instant leurs seins des larmes de la douleur, de l’inquiétude et du désespoir.

Cette scène attendrissante finissait à peine, que le régent de fonction parut avec la directrice : c’était Antonin. Toutes les femmes,