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moindre train. L’heure sonne, le moine paraît et la victime aussi-tôt engloutie dans la ténébreuse prison, qui lui sert d’asyle jusqu’au lendemain. Dans les vingt-quatre heures qu’elle y passe, elle y est souvent visitée ; par un rafinement inconcevable de barbarie, les scélérats se plaisent d’aller en jouir là, et d’aggraver l’horreur de sa position, en la lui offrant sous le plus effrayant aspect. Il est alors permis à tous les moines d’aller faire préalablement souffrir à la victime tout ce que dicte leur imagination ; d’où il résulte qu’elle ne paraît souvent au lieu de son supplice que déjà violemment outragée, et quelquefois à demi-morte. Sous aucun prétexte que ce soit, ils ne peuvent ni retarder, ni avancer sa dernière heure, ni parler de sa grâce ; leurs loix toujours en action pour le mal, sont sans énergie pour le bien. Enfin, l’instant arrive, et l’exécution se fait. Je n’appuie point sur des détails qui ne seront que trop offerts à tes yeux. Le souper, d’ailleurs, est à-peu-près le même, toujours excellent ; mais il ne s’y boit que des vins étrangers, des liqueurs, et en bien plus grande abondance. Ils ne sortent jamais de ces repas sans être dans l’ivresse ? et l’on s’en retire beaucoup plus tard.